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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

eut l’honneur de s’entretenir en attendant la représentation. Il fit plusieurs questions sur la pièce et sur les acteurs : « C’est sans doute monsieur votre fils qui joue l’enfant Jésus ? lui demanda-t-il. — Non, c’est un de mes camarades qui est allé se faire faire la barbe à quatre pas d’ici. — Et la Vierge ? — Elle est là-haut à se rafraîchir avec deux militaires dont elle a fait la connaissance en route. »

Pierre Plancher ne crut pas pouvoir se dispenser d’offrir à dîner au directeur, qui accepta avec empressement. Bientôt le fumet d’une soupe aux choux et au lard attira deux nouveaux personnages, Ponce-Pilate et la Madeleine, qui s’invitèrent sans façon. La Madeleine était une jolie fille aux lèvres souriantes ; elle s’assit à côté de Pierre Plancher, à qui le cidre et l’amour tournèrent bien vite la tête. En peu d’instants, il devint l’ami de tout le tripot comique, — et ce fut en trébuchant qu’il alla prendre place sur un des bancs de la salle, pour assister à la représentation.

L’hôtelier avait loué à ces nouveaux Confrères de la Passion une grange assez vaste. Des rideaux de serge verte, détachés d’un lit à quenouilles et bordés en rubans de soie jaune, figuraient le rideau d’avant-scène. Quelques pièces de tapisserie de Bergame servaient de toile de fond ; d’autres étaient ajustées en coulisses. Six chandelles fichées dans autant de pâtés de terre glaise imitaient la rampe. — L’orchestre, composé de l’unique ménétrier du bourg, jouait l’air de la Bourbonnaise sur un mauvais violon de Mirecourt. Je ne rendrai pas compte de la manière dont fut exécuté le mystère annoncé : ouvrez le roman de Scarron à la première page venue.