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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Comme on le pense bien, la dénonciation de M. d’Éprémesnil n’eut d’autre effet que de redoubler la verve de Linguet. L’ex-avocat ne se doutait guère alors qu’il allait bientôt jouir tout à son aise des avantages d’un despotisme qu’il avait imprudemment préconisé.

V

Il n’y avait pas moyen de venir à bout de Linguet autrement que par la violence ; le gouvernement français résolut de l’employer encore une fois à son égard. On l’attira à Paris sous un prétexte quelconque, et, un jour de septembre qu’il allait dîner avec un de ses amis au bois de Vincennes, il fut tout surpris de voir s’arrêter son carrosse précisément en face de la Bastille, d’entendre s’abaisser le marchepied, et de se trouver entouré d’agents qui lui intimèrent, au nom du roi, l’ordre de mettre pied à terre. En pareil cas, les plus pétulants personnages

    « La société, en général, est contraire à la population ; les lois aident la population comme les liqueurs fortes aident l’estomac, en altérant les organes de la digestion.

    « Les lois font pendre les voleurs ; et il n’y aurait pas de voleurs s’il n’y avait pas de société.

    « Les lois produisent les guerres, et les guerres enlèvent une partie des habitants du monde.

    « Les lois pressent les hommes sur un petit espace et les entassent dans les villes et dans les maisons, ce qui fait que les épidémies se répandent avec plus de promptitude.

    « Les lois entraînent la famine, c’est-à-dire l’habitude de l’abondance, qui rend la disette insupportable, et l’usage de l’agriculture qui nous tue bien plus que la stérilité. »