amena à composition. L’Habitant de la Guadeloupe, le Déserteur et la Brouette du Vinaigrier attirèrent principalement la foule aux Italiens. Ce qu’il y eut de singulier pour la première de ces pièces, c’est qu’on la joua sans sa permission. Ô retour des choses d’ici-bas ! Mercier, cloué sur son lit, tremblait la fièvre, tandis qu’on l’applaudissait au théâtre. Le Déserteur, représenté plusieurs fois devant Leurs Majestés, lui valut une pension de 800 livres ; sur les instances de Marie-Antoinette, il changea le dénoûment, dont l’effet était terrible, et il y substitua une variante à l’usage des âmes douces. C’est, dit-on, à l’impression produite par ce premier dénoûment que l’on doit l’abrogation de la loi qui condamnait les déserteurs à la peine de mort.
Le plus discuté de ces drames, la Brouette du Vinaigrier, est aussi le plus caractéristique et celui auquel la curiosité attacha le plus de vogue. « Quand je rencontre dans la rue la brouette d’un vinaigrier, écrit-il quelque part avec complaisance, je me dis : Et moi aussi, je l’ai fait rouler à ma manière sur tous les théâtres de l’Europe, au grand étonnement des critiques ; et maintenant la brouette y est naturalisée, comme le coffre doré de Ninus dans Sémiramis[1]. »
Ainsi qu’on le pense bien, cet orgueil naïf dut éprouver un assez grand nombre d’échecs. En 1777, Mercier s’étant brouillé avec son libraire, ce dernier
- ↑ Le sujet de la Brouette du Vinaigrier n’appartient cependant pas à Mercier ; il l’a trouvé dans le Gage touché, recueil de nouvelles d’Eustache Le Noble.