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MERCIER.

Doubs. Mais il n’en profita guère. Arrêté à Clamart, il fut jeté dans un cachot infect, où, au bout de trois jours, oublié par son geôlier, on le trouva mort de faim. Lavoisier m’écrivit deux lignes avant de monter en charrette. Autour de moi, poëtes, savants, jeunes filles sont tombés sans que j’aie pu leur tendre un bras secourable. Enfin, un jour, je crus que le ciel allait m’appeler sur le trône rouge dont il semblait, depuis quelque temps, avoir fait le marchepied de ses élus. Après la journée du 31 mai, je signai une protestation contre les décrets arrachés par la violence à la Convention, et je fus un des soixante-treize membres mis en arrestation[1]. Pendant quelque temps, nous flottâmes ainsi entre la vie et la mort, disant chaque jour : Allons, c’est sans doute pour demain ; encore une nuit à dormir ! Mais il y a une justice là-haut, et cette justice ne dédaigna pas de se manifester pour nous. Vous souriez, mon cher Rameau. Toutefois est-il qu’après la chute de Robespierre nous fûmes réintégrés comme en triomphe au sein de l’Assemblée. Voilà toute mon histoire. Il y en a de plus tristes, il y en a de plus gaies. Mais aussi pourquoi m’étais-je avisé de prédire la Révolution ? Enfin au mois de septembre 1795, je passai au Conseil des Cinq-Cents, créé par la constitution directoriale. Vous voyez où m’a conduit le drame ! Encore m’estimerais-je trop heureux, malgré mes traverses politiques et littéraires, si les sympathies

  1. Mercier (Sébastien). L. A. S. à sa femme, une pleine page in-8. Dans cette lettre écrite pendant sa détention, il demande des livres et deux de ses pièces de théâtre : la Maison de Socrate et le Vieillard et ses trois Filles. — (Bulletin de Charavay, no 34.)