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MERCIER.

cet article ont dû suffire pour faire connaître les principaux caractères de la prose de Mercier. En outre du nerf, il avait quelquefois aussi la grâce, et même le tour élégant. Connaissez-vous rien de plus ingénieux que cette vérité : « L’honneur d’une fille est à elle, elle y regarde à deux fois ; l’honneur d’une femme est à son mari, elle y regarde moins ? » L’œuvre de Mercier pullule de traits semblables ; et M. Victor Hugo lui a emprunté un de ses mots : « Je vis par curiosité, » devenu maintenant un des hémistiches de Marion Delorme.

Cet homme, avec ses amis si plein de douceur et d’amabilité, devenait intraitable avec ses ennemis. Sa rancune contre La Harpe, Morellet et plusieurs autres lui tint jusqu’au tombeau. Il avait ses principes à cet égard. « Quand nous avons déjà à combattre le superbe et dédaigneux public, disait-il, il est fâcheux que la guerre se soit établie entre les gens de lettres. S’ils avaient su faire le faisceau, ils seraient les maîtres du monde. Mais la guerre existe : il n’y a que le lâche qui recule devant un adversaire quelconque. Les armes dont nous nous servons ne font point couler le sang ; mais quand l’agresseur est blessé jusqu’au vif, qu’il est châtié dans son impertinence, le cri de douleur qu’il jette satisfait l’homme de bien, parce que justice est faite et que l’impunité en ce genre ne ferait que doubler l’insolence du sot et du méchant. Il est inutile d’être bon, modéré, au milieu de gens chez lesquels existe une certaine dose de perversité acquise, qui met le comble à leur perversité naturelle. »

Nous l’avons déjà dit, il eut beaucoup à lutter pour faire représenter ses drames : les comédiens