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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

étaient alors fort routiniers[1], et une lourde, longue et plate tragédie, telle que les Chérusques, de Bauvin, ou l’Orphanis, de Blin de Sainmore, faisait bien mieux leur affaire que tous les drames ensemble de Sébastien Mercier. Chacun de ses succès fut donc une conquête ; et au bas du Nouveau Doyen de Killerine, on trouve ces mots imprimés : À l’Envie, chez tous les libraires du royaume.

Cependant le théâtre de Mercier a souvent été mis à contribution, même du vivant de l’auteur. Patrat a refait, changé et corrigé (sic) le Déserteur. Plus tard, ce fut au tour de la Brouette du Vinaigrier, dont Brazier jugea opportun de faire un vaudeville en un acte. Charles II, roi d’Angleterre, a fourni à M. Alexandre Duval l’idée de la Jeunesse de Henri IV. Deux drames, la Destruction de la Ligue ou la Réduction de Paris, et Philippe II, roi d’Espagne, ont servi de modèle à M. Vitet pour sa trilogie du règne de Henri III. Enfin, M. Casimir Delavigne n’a pas dédaigné de prendre deux ou trois scènes à la Mort de Louis XI, que l’on a réimprimée en 1827 pour constater ces emprunts.

Il ne faut pas croire toutefois, d’après cela, que Mercier ait dit le dernier mot du drame et résumé en lui la poétique du théâtre. Ses pièces sont loin d’être irréprochables, et le praticien, trompé dans

  1. « Portez-leur une pièce d’un genre neuf, ils chercheront dans leur mémoire, et, ne trouvant aucune ressemblance avec les pièces déjà données, ils soutiendront que l’ouvrage ne vaut rien. Il leur faut des points d’appui, et plus la pièce qu’on leur présentera sera calquée sur celles qu’ils connaissent, meilleure elle sera à leurs yeux. »
    (Essai sur l’Art dramatique, page 370.)