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MERCIER.

ses efforts, reste souvent au-dessous du théoricien. Quelques-uns de ses essais se rapprochent plutôt de la tragédie bourgeoise que du drame proprement dit ; la boursouflure s’insinue entre deux scènes d’intérieur domestique, et à de certaines tirades il ne manque parfois que la rime, grelot d’or tant conspué par lui. C’est toujours, comme on le voit, la vieille histoire de l’athée qui s’écrie : Ô mon Dieu ! L’exclamation, dont il a le tort d’abuser, emprunte sous sa plume des formes impossibles, telles que : Arrête, ô le plus généreux d’entre les mortels ! et toute cette phraséologie ambitieuse et ridicule, puisée aux sources les plus troubles de Jean-Jacques.

Un des amis de Mercier étant allé le voir, rue Jacob, où il demeurait, a dépeint son intérieur dans les termes suivants : « Je le trouvai dans son cabinet, entouré d’un gros tas de livres jetés sans ordre sur le plancher ; je fus contraint d’enjamber pour arriver au fauteuil qu’il me destinait. Trois petites filles, que j’ai vues belles femmes quinze ans plus tard, exerçaient librement sa patience philosophique, en frappant comme des lutins sur les carreaux de vitre d’un cabinet, où je pouvais croire qu’il les tenait momentanément renfermées, afin de sentir les douceurs de la tranquillité durant notre entretien. Un jour que l’un des verres était remplacé par une feuille de papier, on aperçut deux ou trois petits bras, qui l’avaient crevée, faire divers mouvements dont Mercier ne montrait pas une joie trop paternelle. » Il paraît, du moins à cette époque, que son union était boiteuse au point de vue de la loi ; ce qui m’a toujours étonné, eu égard à la haute moralité dont sont empreints tous ses drames.