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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

core vert. Un jour, quelqu’un lui offrant le bras pour monter l’escalier de l’Institut : « Oh ! laissez-moi atteindre encore cinq ou six ans avant de recevoir votre service. Palissot, que vous voyez dans la cour, est un vieillard : il a besoin de secours ; mais moi, je suis toujours agile ! » Cette agilité n’était que pure illusion : car il ne paraissait guère plus ingambe que Palissot, alors très-affaibli par ses quatre-vingt-cinq ans. Du reste, Mercier ne s’abusa pas longtemps sur ce chapitre, et, dès les premières approches de la maladie qui devait l’emporter, on l’entendit dire à voix basse : « Je vais bientôt rendre mon corps à la nature. » Avant d’expirer, il adressa la question suivante à un jeune homme envoyé par M. Ladoucette pour s’informer de son état : « Êtes-vous docteur ou diplomate ? parlez. » Ce fut le dernier mouvement de ses lèvres. On était au 25 avril 1814[1].

Il avait composé lui-même son épitaphe :

Ci-gît Mercier, qui fut académicien,
Et qui, cependant, ne fut rien.

Parmi les ouvrages manuscrits qu’il a laissés, on cite un Cours de littérature en six volumes in-8o. Il

  1. M. Valentin de Lapelouze m’écrivait, il y a quelques années : « J’ai connu assez intimement Mercier, depuis 1799 jusqu’à sa mort en 1814. Il venait tous les mois à l’administration de la loterie chercher ses appointements de contrôleur de la caisse. J’étais alors chef de la comptabilité de cette administration. C’était un très-bon homme… Il trouvait incommode les livres reliés, et lorsqu’il en achetait qu’il n’avait pu trouver autrement, il en faisait des brochures en les dépouillant de leurs cartons ; il appelait cela leur casser le dos… Je le rencontrai une dernière fois rue du Coq, dans un état assez visible d’ébriété… »