Quar li plus fort en sont li mestre,
Et li aver sont Alixandre[1].
Il n’est ne pie ne calandre
Qui ne[2] séust pas gosillier
Ce qui me fet si merveillier,
L’en me dit que chevalerie
Est amendée en Normendie,
Mès male honte ait qui le cuide ;
Bien croi que terre i est plus vuide
De grant contens que ne soloit ;
Chascuns l’autre fouler voloit,
Dont l’un est mort, l’autre envielliz.
Si est li siècles tressailliz
Por la mort qui trestout desvoie ;
Mès par Dieu je me gageroie
Un denier d’argent ou d’archal,
Se Bertran[3] et le Mareschal,
Els[4] et Robert Malet vesquissent,
Et le chamberlenc[5], qu’il féissent
Encore miex en Normandie[6]
Que cels ne font qui sont en vie,
Qu’il savoient plus biau doner,
Et le lor miex abandoner
Aus dames et aus chevaliers
Qui savoient bien les aliers
Qu’il apent à chevalerie ;
Trop fesoient miex cortoisie
A toute gent lonc ce que erent.
Menesterels molt recomperent
De ce que ne vivent encore ;
- ↑ 23 — « Alexandre le Grand » est pris ici comme type de la générosité et de la prodigalité.
- ↑ 148, 4, me, corrigez ne.
- ↑ 38-40 — Les noms cités dans ces trois vers paraissent mettre la composition de ce fabliau à la fin du XIVe siècle. En effet, Bertran peut s’appliquer à Duguesclin, mort en 1380, le Maréchal à Jean de Maugenchy, dit Mouton, sire de Blainville, mort en 1391, le Chambellan à Bureau de la Rivière, chambellan de Charles V, mort en 1400 et enterré à Saint-Denis, aux pieds de son maître. Quant à Robert Malet, nous trouvons dans l’Histoire généalogique du P. Anselme (VII, 868) un Robert Malet, seigneur de Graville, vivant en 1378.
- ↑ 148, 18. M. Héron, dans son édition des Dits de Hue Archevesque (Rouen 1885), p. 40-41, corrige « Els » en Ele, qu’il identifie avec Ele d’Alençon, tante de Robert Malet ; mais le sens n’exige pas cette correction, d’autant que les actes que le trouvère attribue aux différents personnages mentionnés dans ce passage ne s’appliquent qu’à des hommes.
- ↑ 40 — Le chamberlanc, lisez le Chamberlenc.
- ↑ 41 — Normendie, lisez Normandie.
Imité très-souvent : dans la Gibecière de Rome, le Courier facétieux, les Novelle de Sacchetti (nouv. 166), les Serées de Bouchet (ser. 27), les Nouveaux Contes à rire, etc.