Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/150

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Quis desiderio sit pudor aut modus
Tam chari capitis ?
O misero frater adempte mihi !
Omnia tecum una perierunt gaudia nostra,
Quae tuus in vita dulcis alebat amor.
Tu mea, tu moriens fregisti commoda, frater ;
Tecum una tota est nostra sepulta anima,
Cujus ego interitu tota de mente fugavi
Haec studia atque omnes delicias animi.
Alloquar ? audiero nunquam tua verba loquentem ?
Nunquam ego te, vita frater amabilior,
Aspiciam posthac ? At certè semper amabo.

Mais oyons un peu parler ce garson de seize ans. Parce que j’ay trouvé que cet ouvrage a esté depuis mis en lumiere, et à mauvaise fin, par ceux qui cherchent à troubler et changer l’estat de nostre police, sans se soucier s’ils l’amenderont, qu’ils ont meslé à d’autres escris de leur farine, je me suis dédit de le loger icy. Et affin que la memoire de l’auteur n’en soit interessée en l’endroit de ceux qui n’ont peu connoistre de pres ses opinions et ses actions, je les advise que ce subject fut traicté par luy en son enfance, par maniere d’exercitation seulement, comme subjet vulgaire et tracassé en mille endroits des livres. Je ne fay nul doubte qu’il ne creust ce qu’il escrivoit, car il estoit assez conscientieux pour ne mentir pas mesmes en se jouant. Et sçay davantage que, s’il eut eu à choisir, il eut mieux aimé estre nay à Venise qu’à Sarlac : et avec raison. Mais il avoit un’ autre maxime souverainement empreinte en son ame, d’obeyr et de se soubmettre tres-religieusement aux loix sous lesquelles il estoit nay. Il ne fut jamais un meilleur citoyen, ny plus affectionné au repos de son païs, ny plus ennemy des remuements et nouvelletez de son temps. Il eut bien plustost employé sa suffisance à les esteindre, que à leur fournir dequoy les émouvoir d’avantage. Il avoit son esprit moulé au patron d’autres siecles que ceux-cy. Or, en eschange de cet ouvrage serieux, j’en substitueray un autre, produit en cette mesme saison de son aage, plus gaillard et plus enjoué.