Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE VI.


DE LA CONDUITE QUE LES ROMAINS TINRENT POUR SOUMETTRE TOUS LES PEUPLES[1].


Dans le cours de tant de prospérités, où l’on se néglige pour l’ordinaire, le sénat agissait toujours avec la même profondeur, et, pendant que les armées consternaient tout, il tenait à terre ceux qu’il trouvait abattus.

Il s’érigea en tribunal qui jugea tous les peuples : à la fin de chaque guerre, il décidait des peines et des récompenses que chacun avait méritées. Il ôtait une partie du domaine du peuple vaincu pour la donner aux alliés[2] ; en quoi il faisait deux choses : il attachait à Rome des rois dont elle avait peu à craindre et beaucoup à espérer, et il en affaiblissait d’autres dont elle n’avait rien à espérer et tout à craindre.

On se servait des alliés pour faire la guerre à un ennemi ; mais d’abord on détruisit[3] les destructeurs. Philippe fut vaincu par le moyen des Étoliens, qui furent anéantis d’abord après[4], pour s’être joints à Antiochus.

  1. Comparez Machiavel, le Prince, chap. III, et Bossuet, Discours sur l’histoire universelle; IIIe partie, chap. VI. Bossuet a sur Montesquieu cet avantage qu'il condamne énergiquement l’injustice romaine.
  2. A. Il ôtoit une partie des terres du peuple vaincu pour les donner, etc.
  3. A. On détruisit les destructeurs.
  4. Aussitôt après.