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GRANDEUR DES ROMAINS, CHAP. VI.


Antiochus fut vaincu par le secours des Rhodiens ; mais, après qu’on leur eut donné des récompenses éclatantes, on les humilia pour jamais, sous prétexte qu’ils avaient demandé qu’on fît la paix avec Persée.

Quand ils avaient plusieurs ennemis sur les bras, ils accordaient une trêve au plus faible, qui se croyait heureux de l’obtenir, comptant pour beaucoup d’avoir différé sa ruine.

Lorsque l’on était occupé à une grande guerre, le sénat dissimulait toutes sortes d’injures et attendait dans le silence que le temps de la punition fût venu ; que si quelque peuple lui envoyait les coupables, il refusait de les punir, aimant mieux tenir toute la nation pour criminelle et se réserver une vengeance utile.

Comme ils faisaient à leurs ennemis des maux inconcevables, il ne se formait guère de ligues contre eux ; car celui qui était le plus éloigné du péril ne voulait pas en approcher.

Par là, ils recevaient rarement la guerre, mais la faisaient toujours dans le temps, de la manière et avec ceux qu’il leur convenait : et, de tant de peuples qu’ils attaquèrent, il y en a bien peu qui n’eussent souffert toutes sortes d’injures, si l’on avait voulu les laisser en paix.

Leur coutume étant de parler toujours en maîtres, les ambassadeurs qu’ils envoyaient chez les peuples qui n’avaient point encore senti leur puissance étaient sûrement maltraités : ce qui était un prétexte sûr pour faire une nouvelle guerre[1].

Comme ils ne faisaient jamais la paix de bonne foi, et

  1. Un des exemples de cela, c’est leur guerre contre les Dalmates. Voyez Polybe, XXXII, chap. XIX. (M.)