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DES ROMAINS, CHAP. VI.


tude, il était néanmoins très recherché[1] : car on était sûr que l’on ne recevait d’injures que d’eux, et l’on avait sujet d’espérer qu’elles seraient moindres ; ainsi il n’y avait point de services que les peuples et les rois ne fussent prêts de rendre, ni de bassesses qu’ils ne fissent pour l’obtenir.

Ils avaient plusieurs sortes d’alliés. Les uns leur étaient unis par des privilèges et une participation de leur grandeur, comme les Latins et les Herniques ; d’autres, par l’établissement même, comme leurs colonies ; quelques-uns, par les bienfaits, comme furent Massinisse, Euménès et Attalus, qui tenaient d’eux leur royaume ou leur agrandissement ; d’autres, par des traités libres ; et ceux-là devenaient sujets par un long usage de l’alliance, comme les rois d’Égypte, de Bithynie, de Cappadoce, et la plupart des villes grecques ; plusieurs, enfin, par des traités forcés et par la loi de leur sujétion, comme Philippe et Antiochus : car ils n’accordaient point de paix à un ennemi qui ne contînt une alliance, c’est-à-dire qu’ils ne soumettaient point de peuple qui ne leur servît à en abaisser d’autres.

Lorsqu’ils laissaient la liberté à quelques villes, ils y faisaient d’abord naître deux factions[2] : l’une défendait les lois et la liberté du pays, l’autre soutenait qu’il n’y avait de loi que la volonté des Romains ; et, comme cette dernière faction était toujours la plus puissante, on voit bien qu’une pareille liberté n’était qu’un nom.

Quelquefois ils se rendaient maîtres d’un pays, sous prétexte de succession : ils entrèrent en Asie, en Bithynie, en Libye, par les testaments d’Attalus, de Nicomède[3] et

  1. Ariarathe fit un sacrifice aux dieux, dit Polybe, pour les remercier de ce qu’ils avaient obtenu cette alliance. (M.)
  2. Voyez Polybe sur les villes de la Grèce. (M.)
  3. Fils de Philopator. (M.)