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GRANDEUR ET DÉCADENCE


que, dans le dessein d’envahir tout, leurs traités n’étaient proprement que des suspensions de guerre, ils y mettaient des conditions qui commençaient toujours la ruine de l’État qui les acceptait. Ils faisaient sortir les garnisons des places fortes, ou bornaient le nombre des troupes de terre, ou se faisaient livrer les chevaux ou les éléphants, et, si ce peuple était puissant sur la mer, ils l’obligeaient de brûler ses vaisseaux et quelquefois d’aller habiter plus avant dans les terres.

Après avoir détruit les armées d’un prince, ils ruinaient ses finances par des taxes excessives ou un tribut[1], sous prétexte de lui faire payer les frais de la guerre ; nouveau genre de tyrannie, qui le forçait d’opprimer ses sujets et de perdre leur amour.

Lorsqu’ils accordaient la paix à quelque prince, ils prenaient quelqu’un de ses frères ou de ses enfants en otage ; ce qui leur donnait le moyen de troubler son royaume à leur fantaisie. Quand ils avaient le plus proche héritier, ils intimidaient le possesseur ; s’ils n’avaient qu’un prince d’un degré éloigné, ils s’en servaient pour animer les révoltes des peuples.

Quand quelque prince ou quelque peuple s’était soustrait de l’obéissance de son souverain, ils lui accordaient d’abord le titre d’allié du peuple romain[2], et, par là, ils le rendaient sacré et inviolable : de manière qu’il n’y avait point de roi, quelque grand qu’il fût, qui pût un moment être sûr de ses sujets, ni même de sa famille.

Quoique le titre de leur allié fût une espèce de servi-

  1. A. Ils ruinoient ses finances, en le muletant par un tribut ou des taxes excessives, etc.
  2. Voyez surtout leur traité avec les Juifs, au premier livre des Machabées, chap. VIII. (M.)