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DES ROMAINS, CHAP. VI.


de villes en propre. Il semblait qu’ils ne conquissent que pour donner ; mais ils restaient si bien les maîtres que, lorsqu’ils faisaient la guerre à quelque prince, ils l’accablaient, pour ainsi dire, du poids de tout l’univers.

Il n’était pas temps encore de s’emparer des pays conquis. S’ils avaient gardé les villes prises à Philippe, ils auraient fait ouvrir les yeux aux Grecs ; si, après la seconde guerre punique ou celle contre Antiochus, ils avaient pris des terres en Afrique ou en Asie, ils n’auraient pu conserver des conquêtes si peu solidement établies[1].

Il fallait attendre que toutes les nations fussent accoutumées à obéir comme libres et comme alliées, avant de leur commander comme sujettes, et qu’elles eussent été se perdre peu à peu dans la République romaine.

Voyez le traité qu’ils firent avec les Latins après la victoire du lac Régille[2] ; il fut un des principaux fondements de leur puissance. On n’y trouve pas un seul mot qui puisse faire soupçonner l’empire[3].

C’était une manière lente de conquérir : on vainquait un peuple, et on se contentait de l’affaiblir ; on lui imposait des conditions qui le minaient insensiblement ; s’il se relevait, on l’abaissait encore davantage, et il devenait sujet, sans qu’on pût donner une époque de sa sujétion.

  1. Ils n’osèrent y exposer leurs colonies ; ils aimèrent mieux mettre une jalousie éternelle entre les Carthaginois et Massinisse, et se servir du secours des uns et des autres pour soumettre la Macédoine et la Grèce. (M.)
  2. Denys d’Halicarnasse le rapporte, liv. VI, chap. XCV, édit. d’Oxford (M.)
  3. Ce paragraphe n'est pas dans A.