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GRANDEUR ET DÉCADENCE


travaille depuis quinze ans à abolir dans ses États le gouvernement civil pour y établir le gouvernement militaire. Je ne veux point faire des réflexions odieuses sur ce dessein ; je dirai seulement que, par la nature des choses, deux cents gardes peuvent mettre la vie d’un prince en sûreté, et non pas quatre-vingt mille ; outre qu’il est plus dangereux d’opprimer un peuple armé qu’un autre qui ne l’est pas[1].

Commode succéda à Marc-Aurèle, son père. C’était un monstre, qui suivait toutes ses passions et toutes celles de ses ministres et de ses courtisans. Ceux qui en délivrèrent le monde mirent en sa place Pertinax, vénérable vieillard, que les soldats prétoriens massacrèrent d’abord.

Ils mirent l’empire à l’enchère, et Didius Julien l’emporta par ses promesses. Cela souleva tout le monde : car, quoique l’empire eût été souvent acheté, il n’avait pas encore été marchandé. Pescennius Niger, Sévère et Albin furent salués Empereurs, et Julien, n’ayant pu payer les sommes immenses qu’il avait promises, fut abandonné par ses soldats.

Sévère défit Niger et Albin. Il avait de grandes qualités ; mais la douceur, cette première vertu des princes, lui manquait.

La puissance des Empereurs pouvait plus aisément paraître tyrannique que celle des princes de nos jours[2]. Comme leur dignité était un assemblage de toutes les

    mourant il laissait à son fils Fréderic II une armée de 80,000 hommes et un trésor bien garni. Dans sa vie privée, comme dans son gouvernement, c'était un vrai caporal.

  1. A : outre qu'un peuple armé est plus dangereusement opprimé qu'un peuple qui ne l'est pas.
  2. A : Il faut remarquer que la puissance des empereurs pouvoit, etc.