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DES ROMAINS, CHAP. XVI.


magistratures romaines ; que, dictateurs sous le nom d’empereurs, tribuns du peuple, proconsuls, censeurs, grands pontifes et, quand ils voulaient, consuls, ils exerçaient souvent la justice distributive : ils pouvaient aisément faire soupçonner que, ceux qu’ils avaient condamnés, ils les avaient opprimés, le peuple jugeant ordinairement de l’abus de la puissance par la grandeur de la puissance ; au lieu que les rois d’Europe, législateurs et non pas exécuteurs de la loi[1], princes et non pas juges, se sont déchargés de cette partie de l’autorité qui peut être odieuse, et, faisant eux-mêmes les grâces, ont commis à des magistrats particuliers la distribution des peines.

Il n’y a guère eu d’empereurs plus jaloux de leur autorité que Tibère et Sévère ; cependant ils se laissèrent gouverner, l’un par Séjan, l’autre par Plautien, d’une manière misérable.

La malheureuse coutume de proscrire introduite par Sylla continua sous les Empereurs, et il fallait même qu’un prince eût quelque vertu pour ne la pas suivre ; car, comme ses ministres et ses favoris jetaient d’abord les yeux sur tant de confiscations, ils ne lui parlaient que de la nécessité de punir et des périls de la clémence[2].

Les proscriptions de Sévère firent que plusieurs soldats de Niger[3] se retirèrent chez les Parthes[4] ; ils leur apprirent ce qui manquait à leur art militaire, à faire usage des armes romaines et même à en fabriquer ; ce qui fit

  1. A. et non pas exécuteurs des lois.
  2. Dans A. ce paragraphe est placé avant les deux qui précèdent.
  3. Hérodien, Vie de Sévère. (M.)
  4. Le mal continua sous Alexandre. Artaxerxès, qui rétablit l’empire des Perses, se rendit formidable aux Romains, parce que leurs soldats, par caprice ou par libertinage, désertèrent en foule vers lui. Abrégé de Xiphilin, du livre LXXX de Dion. (M.)