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CHAPITRE XXII.


FAIBLESSE DE L’EMPIRE D’ORIENT.


Phocas, dans la confusion des choses, étant mal affermi, Héraclius vint d’Afrique et le fit mourir ; il trouva les provinces envahies et les légions détruites.

À peine avait-il donné quelque remède à ces maux que les Arabes sortirent de leur pays pour étendre la religion et l’empire que Mahomet avait fondé d’une même main.

Jamais on ne vit des progrès si rapides : ils conquirent d’abord la Syrie, la Palestine, l’Égypte, l’Afrique, et envahirent la Perse.

Dieu permit que sa religion cessât en tant de lieux d’être dominante, non pas qu’il l’eût abandonnée, mais parce que, qu’elle soit dans la gloire ou dans l’humiliation extérieure, elle est toujours également propre à produire son effet naturel, qui est de sanctifier.

La prospérité de la religion est différente de celle des empires. Un auteur célèbre[1] disait qu’il était bien aise d’être malade, parce que la maladie est le vrai état du chrétien. On pourrait dire de même que les humiliations de l’Église, sa dispersion, la destruction de ses temples, les souffrances de ses martyrs, sont le temps de sa gloire ; et

  1. Pascal, Pensées, 2e partie, art. 17, § 85.