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GRANDEUR DES ROMAINS, CHAP. XXII.


que, lorsqu’aux yeux du monde elle parait triompher, c’est le temps ordinaire de son abaissement.

Pour expliquer cet événement fameux de la conquête de tant de pays par les Arabes, il ne faut pas avoir recours au seul enthousiasme. Les Sarrasins étaient depuis longtemps distingués parmi les auxiliaires des Romains et des Perses ; les Osroëniens et eux étaient les meilleurs hommes de trait qu’il y eût au monde ; Alexandre-Sévère et Maximin en avaient engagé à leur service autant qu’ils avaient pu, et s’en étaient servis avec un grand succès contre les Germains, qui désolaient de loin ; sous Valens, les Goths ne pouvaient leur résister[1] ; enfin, ils étaient[2], dans ces temps-là la meilleure cavalerie du monde.

Nous avons dit que chez les Romains les légions d’Europe valaient mieux que celles d’Asie. C’était tout le contraire pour la cavalerie : je parle de celle des Parthes, des Osroëniens et des Sarrasins ; et c’est ce qui arrêta les conquêtes des Romains, parce que, depuis Antiochus, un nouveau peuple tartare, dont la cavalerie était la meilleure du monde, s’empara de la Haute-Asie.

Cette cavalerie était pesante[3], et celle d’Europe était légère ; c’est aujourd’hui tout le contraire. La Hollande et la Frise n’étaient point pour ainsi dire encore faite[4], et l’Allemagne était pleine de bois, de lacs et de marais, où la cavalerie servait peu[5].

Depuis qu’on a donné un cours aux grands fleuves, ces

  1. Zosime, liv. IV. (M.)
  2. A. Ils faisoient, etc.
  3. Voyez ce que dit Zosime, liv. I, sur la cavalerie d’Aurélien et celle de Palmyre ; voyez aussi Ammien Marcellin, sur la cavalerie des Perses. (M.)
  4. C’étaient, pour la plupart, des terres submergées que l’art a rendues propres à être la demeure des hommes. (M.)
  5. A. où la cavalerie était peu utile.