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GRANDEUR ET DÉCADENCE


marais se sont dissipés, et l’Allemagne a changé de face. Les ouvrages de Valentinien sur le Necker et ceux des Romains sur le Rhin[1] ont fait bien des changements[2] ; et, le commerce s’étant établi, des pays qui ne produisaient point de chevaux en ont donné, et on en a fait usage[3].

Constantin, fils d’Héraclius, ayant été empoisonné, et son fils Constant, tué en Sicile, Constantin le Barbu, son fils aîné, lui succéda[4]. Les grands des provinces d’Orient s’étant assemblés, ils voulurent couronner ses deux autres frères, soutenant que, comme il faut croire en la Trinité, aussi était-il raisonnable d’avoir trois empereurs.

L’histoire grecque est pleine de traits pareils, et, le petit esprit étant parvenu à faire le caractère de la Nation, il n’y eut plus de sagesse dans les entreprises, et l’on vit des troubles sans cause et des révolutions sans motifs.

Une bigoterie universelle abattit les courages et engourdit tout l’Empire. Constantipople est, à proprement parler, le seul pays d’Orient où la religion chrétienne ait été dominante. Or cette lâcheté, cette paresse, cette mollesse des nations d’Asie, se mêlèrent dans la dévotion même. Entre mille exemples, je ne veux que Philippicus, général de Maurice, qui, étant prêt de donner une bataille[5], se mit à pleurer, dans la considération du grand nombre de gens qui allaient être tués[6] !

  1. Voyez Ammien Marcellin, liv. XXVII. (M.)
  2. Le climat n’y est plus aussi froid que le disaient les anciens. (M.)
  3. César dit que les chevaux des Germains étaient vilains et petits. Guerre des Gaules, liv. IV, ch. II. Et Tacite, Des Mœurs des Germains, dit : Germania pecorum foecunda, sed pleraque improcera. (M.)
  4. Zonaras, Vie de Constantin le Barbu [ou Pogonat]. (M.)
  5. A. Étant près de donner bataille.
  6. Théophilacte, liv. II, ch. III, Histoire de l’empereur Maurice. (M.)