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POLITIQUE DES ROMAINS

Il faut remarquer que les Romains confondirent les Juifs avec les Égyptiens, comme on sait qu’ils confondirent les chrétiens avec les juifs : ces deux religions furent longtemps regardées comme deux branches de la première, et partagèrent avec elle la haine, le mépris et la persécution des Romains. Les mêmes arrêts qui abolirent à Rome les cérémonies égyptiennes mettent toujours les cérémonies juives avec celles-ci, comme il parait par Tacite[1], et par Suétone, dans les vies de Tibère et de Claude. Il est encore plus clair que les historiens n’ont jamais distingué le culte des chrétiens d’avec les autres. On n’était pas même revenu de cette erreur du temps d’Adrien comme il paraît par une lettre que cet empereur écrivit d’Égypte au consul Servianus[2] : « Tous ceux qui, en Égypte, adorent Sérapis, sont chrétiens, et ceux même qu’on appelle évêques sont attachés au culte de Sérapis. Il n’y a point de juif, de prince de synagogue, de samaritain, de prêtre des chrétiens, de mathématicien, de devin, de baigneur, qui n’adore Sérapis. Le patriarche même des juifs adore indifféremment Sérapis et le Christ. Ces gens n’ont d’autre dieu que Sérapis ; c’est le dieu des chrétiens, des juifs et de tous les peuples. » Peut-on avoir des idées plus confuses de ces trois religions, et les confondre plus grossièrement ?

  1. Annales, liv. II, chap. LXXXV. (M.)
  2. Illic qui Serapin colunt, christiani sunt ; et devoti sunt Serapi, qui se Christi episcopos dicunt. Nemo illic archisynagogus judœrum, nemo samarites, nemo christianorum presbyter, non mathematicus, non aruspex, non aliptes, qui non Serapin colat. Ipse ille patriarcha (judœorum scilicet) cum AEgyptum venerit. ab aliis Serapin adorare, ab aliis cogitur Christum. Unus illis deus est Sérapis : hunc judœi, hunc christiani, hunc omnes venerantur et gentes. Flavius Vopiscus, in Vita Saturnini. Vid. Historiœ augustæ scriptores, in-fol., 1620, p. 245 ; et in-8º, 1661, t. II, p. 719. (M.)