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CHANT CINQUIÈME.


Je parlois encore au jeune Aristée de mes tendres amours[1] ; ils lui firent soupirer les siens ; je soulageai son cœur, en le priant de me les raconter. Voici ce qu’il me dit ; je n’oublierai rien ; car je suis inspiré par le même Dieu qui le faisoit parler.

Dans tout ce récit, vous ne trouverez rien que de très-simple : mes aventures ne sont que les sentiments d’un cœur tendre, que mes plaisirs, que mes peines ; et, comme mon amour pour Camille fait le bonheur, il fait aussi toute l’histoire de ma vie.

Camille est fille d’un des principaux habitans de Gnide ; elle est belle[2] ; elle a une physionomie qui va se peindre dans tous les cœurs : les femmes qui font des souhaits, demandent aux dieux les grâces de Camille ; les hommes qui la voient veulent la voir toujours, ou craignent de la voir encore[3].

Elle a une taille charmante, un air noble, mais modeste, des yeux vifs et tout prêts à être tendres, des traits faits exprès l’un pour l’autre, des charmes invisiblement assortis pour la tyrannie des cœurs.

  1. A. Je contai au Jeune Aristée mes tendres amours etc.
  2. A. Elle est belle ; mais elle a des grâces plus belles que la beauté même, elle a une physionomie, etc.
  3. Colardeau :
    Il faut la voir toujours, ou ne la voir jamais.