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CÉPHISE ET L’AMOUR




Un jour que j’errois dans les bois d’Idalie avec la jeune Céphise, je trouvai l’Amour qui dormoit couché sur des fleurs[1], et couvert par quelques branches de myrte, qui cédoient doucement aux haleines des Zéphyrs. Les Jeux et les Ris, qui le suivent toujours, étoient allés folâtrer loin de lui : il étoit seul. J’avois l’Amour en mon pouvoir ; son arc et son carquois étoient à ses côtés ; et, si j’avois voulu, j’aurois volé les armes de l’Amour. Céphise prit l’arc du plus grand des dieux : elle y mit un trait, sans que je m’en aperçusse, et le lança contre moi. Je lui dis en souriant : Prends-en un second ; fais-moi une autre blessure ; celle-ci est trop douce. Elle voulut ajuster un autre trait ; il lui tomba sur le pied ; et elle crioit[2] doucement : c’étoit le trait le plus pesant qui fût dans le carquois de l’Amour ! Elle le reprit, le fit voler ; il me frappa, je me baissai : Ah ! Céphise, tu veux donc me faire mourir ? Elle s’approcha de l’Amour. Il dort profondément, dit-elle ; il s’est fatigué à lancer ses traits. Il faut cueillir des fleurs, pour lui lier les pieds et les mains. Ah ! je n’y puis consentir ; car il nous a toujours favorisés. Je vais donc, dit-elle, prendre ses armes, et lui tirer une

  1. A. Sur les fleurs.
  2. A. Et elle cria, etc.