Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/166

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L’éducation y est donc, en quelque façon, nulle. Il faut ôter tout, afin de donner quelque chose ; & commencer par faire un mauvais sujet, pour faire un bon esclave.

Eh ! pourquoi l’éducation s’attacheroit-elle à y former un bon citoyen qui prît part au malheur public ? S’il aimoit l’état, il seroit tenté de relâcher les ressorts du gouvernement : s’il ne réussissoit pas, il se perdroit ; s’il réussissoit, il courroit risque de se perdre, lui, le prince, & l’empire.


CHAPITRE IV.

Différence des effets de l’éducation chez les anciens & parmi nous.


LA plupart des peuples anciens vivoient dans des gouvernemens qui ont la vertu pour principe ; &, lorsqu’elle y étoit dans sa force, on y faisoit des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui, & qui étonnent nos petites ames.

Leur éducation avoit un autre avantage sur la nôtre ; elle n’étoit jamais démentie. Epaminondas, la derniere année de sa vie, disoit, écoutoit, voyoit, faisoit les mêmes choses que dans l’âge où il avoit commencé d’être instruit.

Aujourd’hui, nous recevons trois éducations différentes ou contraires ; celle de nos peres, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la derniere, renverse toutes les idées des premieres. Cela vient, en quelque partie, du contraste qu’il y a parmi nous entre les engagemens de la religion & ceux du monde ; chose que les anciens ne connoissoient pas.