sur le décret de prise de corps, le président de Bélievre dit : "Qu’il voyoit, dans cette affaire, une chose étrange ; un prince opiner au procès d’un de ses sujets : Que les rois ne s’étoient reservé que les graces, & qu’ils renvoyoient les condamnations vers leurs officiers. Et votre majesté voudroit bien voir sur la sellete un homme devant elle, qui, par son jugement, iroit dans une heure à la mort ! Que la face du prince, qui porte les graces, ne peut soutenir cela ; que sa vue seule levoit les interdits des églises ; qu’on ne devoit sortir que content de devant le prince." Lorsqu’on jugea le fonds, le même président dit, dans son avis : "Cela est un jugement sans exemple, voire contre tous les exemples du passé jusqu’à huy, qu’un roi de France ait condamné en qualité de juge, par son avis, un gentilhomme à mort[1]."
Les jugemens rendus par le prince seroient une source intarissable d’injustices & d’abus ; les courtisans extorqueroient, par leur importunité, ses jugemens. Quelques empereurs Romains eurent la fureur de juger ; nuls regnes n’étonnerent plus l’univers par leurs injustices.
"Claude, dit Tacite[2], ayant attiré à lui le jugement des affaires & les fonctions des magistrats, donna occasion à toutes sortes de rapines." Aussi Néron parvenant à l’empire après Claude, voulant se concilier les esprits, déclara-t-il : "Qu’il se garderoit bien d’être le juge de toutes les affaires ; pour que les accusateurs & les accusés, dans les murs d’un palais, ne fussent pas exposés à l’inique pouvoir de quelques affranchis[3]."
Sous le regne d’Arcadius, dit Zozime[4], "la nation des calomniateurs se répandit, entoura la cour, & l’infecta. Lorsqu’un homme étoit mort, on supposoit qu’il n’avoit point laissé d’enfans[5] ; on donnoit ses