Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/245

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moyens. Lorsque je suis forcé de plaider, il est nécessaire que je puisse payer un avocat ; lorsque je suis malade, il faut que je puisse avoir un médecin.

Quelques gens ont pensé qu’en assemblant tant de peuple dans une capitale, on diminuoit le commerce ; parce que les hommes ne sont plus à une certaine distance les uns des autres. Je ne le crois pas ; on a plus de desirs, plus de besoins, plus de fantaisies, quand on est ensemble.


CHAPITRE II.

Des loix somptuaires, dans la démocratie.


JE viens de dire que, dans les républiques, où les richesses sont également partagées, il ne peut point y avoir de luxe : &, comme on a vu au livre cinquieme[1] que cette égalité de distribution faisoit l’excellence d’une république, il suit que, moins il y a de luxe dans une république, plus elle est parfaite. Il n’y en avoit point chez les premiers Romains, il n’y en avoit point chez les Lacédémoniens ; &, dans les républiques où l’égalité n’est pas tout-à-fait perdue, l’esprit de commerce, de travail & de vertu, fait que chacun y peut & que chacun y veut vivre de son propre bien, & que, par conséquent, il y a peu de luxe.

Les loix du nouveau partage des champs, demandées avec tant d’instance dans quelques républiques, étoient salutaires par leur nature. Elles ne sont dangereuses que comme action subite. En ôtant tout-à-coup les richesses aux uns, & augmentant de même celles des autres, elles sont dans chaque famille une révolution, & en doivent produire une générale dans l’état.

A mesure que le luxe s’établit dans une république,

  1. Chapitres III & IV.