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un grand objet, qui étoit l’art militaire. Mais, lorsque les Grecs n’eurent plus de vertu, elles détruisirent l’art militaire même : on ne descendit plus sur l’arene pour se former, mais pour se corrompre[1].

Plutarque nous dit[2] que, de son temps, les Romains pensoient que ces jeux avoient été la principale cause de la servitude où étoient tombés les Grecs. C’étoit, au contraire, la servitude des Grecs qui avoit corrompu ces exercices. Du temps de Plutarque[3], les parcs où l’on combattoit à nud, & les jeux de la lutte, rendoient les jeunes gens lâches, les portoient à un amour infame, & n’en faisoient que des baladins : mais, du temps d’Epaminondas, l’exercice de la lutte faisoit gagner aux Thébains la bataille de Leuctres[4].

Il y a peu de loix qui ne soient bonnes, lorsque l’état n’a point perdu ses principes : &, comme disoit Epicure en parlant des richesses, « Ce n’est point la liqueur qui est corrompue, c’est le vase. »


CHAPITRE XII.

Continuation du même sujet.


ON prenoit à Rome les juges dans l’ordre des sénateurs. Les Gracques transporterent cette prérogative aux chevaliers. Drusus la donna aux sénateurs & aux chevaliers ; Sylla aux sénateurs seuls ; Cotta aux sénateurs, aux chevaliers & aux trésoriers de l’épargne. César exclut ces derniers. Antoine fit des décuries de sénateurs, de chevaliers & de centurions.

Quand une république est corrompue, on ne peut re-

  1. …….. Aut libidinosœ Ledœas Lacedœmonis palœstras.
    Martial, lib. IV, epig. 55.
  2. Œuvres morales, au traité des dermandes des choses Romaines.
  3. Plutarque, ibid.
  4. Plutarque, Morales, propos de table, liv. II.