Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

immortels ; mais il paroît qu’il n’a pas grand égard aux intérêts de leurs ministres, et qu’il est trop frappé de ce principe: que la Religion est faite pour les hommes, et non pas les hommes pour la 5 Religion.

Pisistrate s’est refusé à peu de femmes de la cour de Sicyone ; mais il n’y en a pas une seule qui puisse se vanter qu’il ait eu de l’estime pour elle. Le roi de Sicyone avoit conquis les états d’un

10 prince voisin et ne lui avoit laissé que sa capitale. Il envoya Pisistrate pour l’assiéger. Le prince, réduit au désespoir, croyant qu’il lui étoit égal de ne pas exister ou de ne pas commander, fit des efforts incroyables. Un secours arrive. Les Sicyoniens le laissent passer. Pisistrate fait abandonner toutes les conquêtes. Il auroit pu les conserver. Mais tout le monde défendit l’honneur de Pisistrate: le soldat convint qu’il n’avoit pas manqué de résolution, et les capitaines, que ce n’étoit pas lui qui

20 avoit manqué de conduite.

Dans les affaires malheureuses, un général est chargé de toutes les fautes de l’armée et de la Cour. Ici la Cour et l’armée se chargent de toute la faute, pour absoudre le général.

23 Pisistrate ne savoit pas humilier ; mais il savoit renverser.

Pisistrate étoit moins touché du beau et du bon que de l’extraordinaire et du merveilleux. Il avoit le cœur ferme et l’esprit timide. >o Il étoit plus flatté de ses talents que de ses vertus. La timidité de Pisistrate lui venoit autant de la