Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/204

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chands se joint pour faire des assurances. Ils connoissent leur besogne et s’éclairent les uns les autres ; ils savent si le vaisseau sur lequel on assure est bon ou mauvais, si l’équipage est bon ou mau

5 vais, si le capitaine est expérimenté ou sage, s’il est un ignorant ou un étourdi, si les chargeurs sont suspects, sont de bonne réputation, ou peuvent être soupçonnés de fraude, si le voyage doit être long, si la saison se présente bien ou non ; ils savent tout,

o parce que chacun s’instruit. A Paris, on ne sait rien, et, pour que la Compagnie y sût tout cela, elle perdroit autant, pour les frais des lettres et des correspondances, qu’elle gagneroit par la prime. D’ailleurs, c’est une sottise de faire un fonds de

5 3 millions. Il ne faut point de fonds, et même il doit naturellement y avoir de l’argent dans la caisse, puisque la prime entre d’abord, et que ce n’est que dans la suite que les pertes et les avaries se payent.

3° Il arrivera que les bonnes assurances se feront dans les ports de mer, et qu’on ne se pourvoira à Paris que pour les mauvaises. Les marchands qui, par leurs correspondances particulières, auront des nouvelles qui rendront l’affaire périlleuse se pourvoiront vers la Compagnie, qui ne les saura pas.

5 Dans les ports de mer, quoiqu’on ne mette point de fonds, la Société des assureurs assure sur son crédit, et, sachant que tous les assureurs ne manqueront pas à la fois, on est tranquille, comme s’il y avoit de l’argent dans la caisse ; et l’argent dans la caisse

o ne tranquillise pas. Car qui peut savoir l’état particulier de cette caisse?