Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/256

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par la considération du dessein que l’on en a, et ce n’est pas un moyen sûr de le déraciner que de le faire souffrir. L’orgueil pressé par l’orgueil prendroit des forces et le repousseroit à son tour.

5 L’orgueil voudroit-il contredire l’orgueil? Ils ne feroient que se justifier l’un et l’autre. La modestie le fait défendre (?).

La Religion chrétienne exige de nous deux choses: l’une charmante ; l’autre terrible: d’aimer les autres,

o et de nous haïr nous-mêmes. Dieu ne veut rien de nous que nous-mêmes.

Les injures peuvent être le témoignage de la rudesse générale d’une nation, quelquefois de sa liberté et de sa naïveté même.

5 Dans ce cas, la charité chrétienne en seroit moins blessée, parce qu’il seroit indécis si elles seraient l’effet des mœurs générales ou d’une violence particulière. Mais, dans une nation où les citoyens, liés déjà par les loix, se sont encore liés par les égards,

o et où, par conséquent, les injures supposent que celui contre qui elles sont dites est si coupable qu’on a été obligé de franchir toutes les barrières, elles blessent extrêmement la charité chrétienne. Ainsi les Grecs et les Romains offensoient moins

’5 que nous, avec des paroles plus offensantes. Dans de pareilles nations, la charité chrétienne en seroit moins blessée.

Si le cœur les a dites, ou si les mœurs les ont laissé dire ; si c’est la conscience publique ou la

30 particulière qui doivent se faire des reproches.

Fin.