Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/258

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XIV. ESSAI SUR LE GOUT

442* (108. I, p. 100). — Nous devons1 à la vie champêtre que l’Homme menoit dans les premiers temps cet air riant répandu dans toute la Fable. 5 Nous lui devons ces descriptions heureuses, ces aventures naïves, ces Divinités gracieuses, ce spectacle d’un état assez différent du nôtre pour le désirer, et qui n’en est pas assez éloigné pour choquer la vraisemblance ; enfin, ce mélange de pas

1 o sions et de tranquillité. Notre imagination rit à Diane, à Pan, à Apollon, aux Nymphes, aux bois, aux prés, aux fontaines. Si les premiers hommes avoient vécu comme nous dans les villes, les poëtes n’auroient pu nous décrire que ce que nous voyons

» 5 tous les jours avec inquiétude, ou que nous sentons avec dégoût. Tout respireroit l’avarice, l’ambition et les passions qui tourmentent. Il ne seroit question que de tout le détail fatiguant de la Société. Les poëtes qui nous décrivent la vie champêtre

= 0 nous parlent de l’âge d’or, qu’ils regrettent ; c’est-àdire nous parlent d’un temps encore plus heureux et plus tranquille.

443* (109. I, p. 101). — Il n’y a guère jamais eu de a5 législateur qui, pour rendre ses loix ou sa religion

1. De plusieurs idées que j’avois, voici celles qui n’ont pu entrer dans mon ouvrage sur le Goût et les Ouvrages d’Esprit.