Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/279

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(Élise dit :)

Dans l’état où je suis, hélas ! puis-je te dire
Et pourquoi je me trouble, et pourquoi je soupire ?
Si Mars et ses fureurs me donnent de l’effroi,
Ou quelque Dieu plus fort qui veut régner sur moi, 5
Je me sens toute émue, et peut-être, Phœdime (?),
Que cette émotion est elle-même un crime.
Quand un cœur, pour haïr, se contraint et se gêne,
Il trouve que l’amour est bien près de la haine.

L’amour portant ses droits sur tout ce qui respire,
De la Terre et du Ciel ne forme qu’un empire.
Je n’ai plus d :ennemi, quand je n’ai plus d’égal.

(Élise à Tigrane :)

Non ! Tu fais naître seul toutes mes passions :
Mon cœur tout plein de toi se ferme à tout le reste. iï>
Si tu savois, cruel, combien je te déteste.
(Je ne vous écoutois pas quand vous étiez couvert de gloire. Croyez-vous que :)

Je vous entende mieux de l’abîme où vous êtes ?
(Je ne sais si, dans les transports dont je suis agité,)
Vous verrez mon amour ou ma témérité.