Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/280

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Vous avez su me vaincre après tant de combats.
En un mot, je vous aime, et je n’en rougis pas.
Il falloit en rougir quand mon âme insensée
En osa concevoir la première pensée ;
Il falloit en rougir quand le cruel poison
Laissoit à mon esprit un reste de raison ;
Que, tantôt abattue et tantôt triomphante,
Je défendois encore ma liberté mourante.
Mais, sans faire aujourd’hui des efforts superflus,
J’aime, j’ose le dire, et je n’en rougis plus.

(Phraate, de Britomare :)

Un seul de ses regards m’intimide et m’accable.
Je ne puis soutenir son superbe maintien.
L’astre qui le vit naître est plus fort que le mien.
Au funeste récit de ses faits magnanimes,
Je le crois voir armé pour punir tous mes crimes,
Et ce héros terrible à mon esprit confus
Montre autant d’ennemis qu’il fait voir de vertus.

(Tigrane dit :)

20 Dieux !...
C’est vous qui n’avez mis le sceptre dans mes mains
Que pour faire d’un roi le dernier des humains.
Je n’accuse que vous d’un dessein si sinistre,
Et Britomare, enfin, n’en est que le ministre.

25 Vous n’aurez plus de droits sur un infortuné.
Je vous rends jusqu’au jour que vous m’avez donné.