Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/310

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du (sic) héroïsme. J’ai voyagé dans les pays étrangers, où j’ai recueilli de bons mémoires. Enfin, le temps a fait sortir des cabinets tous les divers mémoires que ceux de notre nation, où l’on aime à

5 parler de soi, ont écrit en foule ; et, de ces différents mémoires, on tire la vérité, lorsqu’on n’en suit aucun, et qu’on les suit tous ensemble ; lorsqu’on les compare avec des monuments plus authentiques, tels que sont les lettres des ministres, des généraux, les

10 instructions des ambassadeurs et les monuments qui sont comme les pierres principales de l’édifice, entre lesquelles tout le reste s’enchâsse. Enfin, j’ai été d’une profession où j’ai acquis des connoissances du droit de mon pays, et surtout du droit public, si l’on doit

iS appeler ainsi ces foibles et misérables restes de nos loix, que le pouvoir arbitraire a pu jusqu’ici cacher, mais qu’il ne pourra jamais anéantir qu’avec luimême.

Dans un siècle où l’on donne tout à l’amusement 20 et rien à l’instruction, il y a eu des écrivains qui ont cherché à rendre leurs histoires uniquement agréables. Pour cela, ils ont choisi un seul point d’histoire à traiter, comme quelque révolution, et ils ont écrit l’histoire comme on écrit une tragédie, avec 25 une unité d’action qui plaît au lecteur, parce qu’elle lui donne des mouvements sans peine, et qu’elle semble instruire sans besoin de mémoire ni de jugement. Et cela a dégoûté de toute cette suite de faits dont l’histoire est chargée, et qui fatiguent la 3o mémoire et ne sont pas tous intéressants.