Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/324

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On est heureux dans la poursuite d’un objet, quoique l’expérience fasse voir qu’on ne l’est pas par l’objet même ; mais cette illusion nous suffit. La raison en est que notre âme est une suite d’idées. 5 Elle souffre quand elle n’est pas occupée, comme si cette suite étoit interrompue, et qu’on menaçât son existence. Ce qui fait que nous ne sommes point heureux, c’est que nous voudrions être comme des Dieux ; mais il nous suffit bien d’être heureux comme 10 des hommes.

Ceux qui, par leur état, n’ont pas des occupations nécessaires doivent chercher à s’en donner. La plus convenable aux gens qui ont eu de l’éducation, la lecture, nous ôte quelques heures qui nous seroient i5 insupportables dans le vide de chaque jour, et peut souvent rendre délicieuses les heures qui y sont occupées.

Les grandes villes ont cet avantage que l’on peut se retourner. A-t-on mal choisi ses sociétés ? On en îo trouve d’autres.

Dans les républiques, on a des amis et des ennemis ; on n’a ni l’un, ni l’autre dans les monarchies. Là, on se hait ; ici, on se méprise. Là, l’amitié est fondée sur les intérêts ; ici, elle se fonde sur les 25 plaisirs. ,

On est plus heureux par les amusements que par les plaisirs. C’est que les amusements délassent également et les (sic) peines, et les (sic) plaisirs. L’âme a son être à ménager, comme le corps. 30 Les animaux sont des espèces d’instruments à corde : leurs nerfs y font la fonction des cordes