Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/336

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vernée par des gens sages. Sous César, sous Auguste, sous Tibère, on fit des Ioix qui, sous prétexte de maintenir la dignité des matrones, furent un peu gênantes. Mais, quand les mœurs et le génie d’une 5 nation sont fixés à un certain point, il faut une révolution, et non pas des loix pour les changer.

C’est en vain que Livie cherche à corriger les mœurs de son siècle par les siennes ; Rome ne voit que les débauches de Julie, et c’est le seul exemple

10 qu’elle suit.

Quand la loi de César punit l’adultère des matrones, elles éludèrent la peine en se faisant courtisanes publiques. Mais la loi de Tibère les chassa de cet indigne retranchement.

i5 Mais jusqu’où ne portèrent-elles point la hardiesse ? Non seulement elles assistèrent à tous les spectaclesi, même à ceux où l’on voyoit combattre des hommes nus2 ; elles osèrent y combattre ellesmêmes et descendre sur l’arène avec les athlètes et

îo les gladiateurs. Elles parurent même toutes nues aux bains publics, et bientôt elles furent réduites à avoir honte de se couvrir. Quand quelques-unes le firent, on peut voir, dans les poètes, quelles humiliantes conséquences on tiroit de cette mo

25 destie.

Trajan fut obligé de faire une loi pour leur défendre de se baigner avec les hommes. Il les obligea, malgré elles, de cacher des charmes que, quand la modestie ne tiendroit point secrets, la prudence

1. Suétone, In Augusto. 3. Suétone, In Domitiano.