Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/488

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noissance les jetoit infailliblement dans l’opinion de la multiplicité des Dieux. Car, comment ce Dieu massif auroit-il pu se transporter dans toutes les parties du Monde à la fois ? Il falloit bien qu’il eût

5 sous lui des intelligences qui fussent les ministres de ses volontés, et que ces intelligences eussent sous elles des Divinités inférieures. Ils pensoient que Jupiter gouvernoit le Monde comme un monarque gouverne un état. Ces raisonnements (comme je l’ai

10 déjà dit) sont des raisonnements d’instinct, et on peut dire que la foi n’en a pas détruit toutes les impressions. Il s’est trouvé dans ce siècle-ci des philosophes qui, ne pouvant comprendre que Dieu pût suffire à gouverner tout l’Univers, ont imaginé

i5 des natures plastiques, qui gouvernent sous lui, et ont mieux aimé recevoir un être dont ils avouent eux-mêmes qu’ils n’ont point d’idée que de reconnoître qu’un être simple puisse gouverner tout l’Univers immédiatement.

20 On voit donc que les Payens ne tombèrent dans l’erreur que pour avoir tiré de justes conséquences d’un faux principe, qui est que Dieu a un corps. Mais, comme ils ne pouvoient en découvrir la fausseté que par des raisonnements de philoso

2b phie, etc.

On ne manquera pas de me dire qu’il s’ensuit de mon raisonnement que Dieu est trompeur, et qu’il jette les hommes dans l’erreur, sans toujours voir la vérité. Je réponds qu’il n’est point (sic) nécessaire 3o que Dieu nous donne assez de lumières pour conserver notre être. Cela doit nous suffire. Il nous a