Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/489

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faits aussi parfaits et aussi imparfaits qu’il a voulu ; il a pu nous rendre plus ou moins intelligents. Quand il nous découvre quelque chose, il nous fait une grâce ; mais il pouvoit nous la cacher sans injustice. Dieu nous trompe-t-il parce que les sens, 5 ces infidèles témoins, nous déçoivent à chaque instant ? Non, sans doute ! Peut-être que Dieu n’a pas voulu que nous eussions plus de certitude des choses, afin que nous connoissions mieux notre foiblesse. 10

Quant aux athées de M. Bayle, la moindre réflexion suffit à l’Homme pour se guérir de l’athéisme. Il n’a qu’à considérer les Cieux, et il y trouvera une preuve invincible de l’existence de Dieu. Il n’est point excusable lorsqu’il ne voit point la Divinité peinte dans i5 tout ce qui l’entoure : car, dès qu’il voit des effets, il faut bien qu’il admette une cause. Il n’en est pas de même de l’idolâtre : car l’Homme peut bien voir et considérer l’ordre des Cieux et rester opiniâtrement dans l’idolâtrie. Cette disposition ne répugne 20 point à la multiplicité des Dieux, ou, si elle y est contraire, ce ne peut être que par une suite de raisonnements métaphysiques, souvent trop foibles sans le secours de la foi, qu’ils le peuvent découvrir. Je dis plus : peut-être que la seule chose que la a5 raison nous apprenne de Dieu, c’est qu’il y a un être intelligent qui produit cet ordre que nous voyons dans le Monde. Mais, si l’on demande quelle est la nature de cet être, on demande une chose qui passe la raison humaine. Tout ce qu’on sait de certain, 3o c’est que l’hypothèse d’Épicure est insoutenable,