Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/97

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Je pris soin de ton éducation. La sévérité, toujours inséparable des instructions, te fit longtemps ignorer que tu m’étois cher. Tu me l’étois pourtant, et je dirois que je t’aimois comme un père aime son fils, si ces noms de père et de fils n’étoient pas plus 5 propres à nous rappeler à tous deux un souvenir affreux qu’à nous marquer une douce et secrète sympathie.

122* (1618. II, f° 468 v°). — Rica à Usbeck. — Voici une lettre qui est tombée entre mes mains. 10

« Ma chère cousine,

» Deux hommes tout de suite m’ont quittée. J’ai attaqué celui que vous saviez ; mais il a été comme un rocher. Mon cœur s’indigne des affronts qu’il reçoit chaque jour. i5

» Que n’ai-je point fait pour l’attirer? J’ai cent fois renchéri sur les politesses que j’ai coutume de faire, « Bon Dieu! disois-je en moi-même, se peut-il que

» moi, à qui on disoit autrefois tant de douceurs,

» je fasse aujourd’hui tant de restitutions pour 20

» rien! »

» Vous avez, ma chère cousine, deux ans moins que moi, et vos charmes sont bien au-dessus des miens. Mais je vous conjure de ne me point abandonner dans la résolution que j’ai prise de quitter 25 le monde. Vous êtes confidente de tant de secrets ; je suis dépositaire de tant d’autres! Il y a plus de trente ans que notre amitié triomphe de toutes les petites brouilleries que produisent nécessairement,