Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/98

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dans une société, la variété des intrigues et la multiplicité des intérêts.

» Je vous l’ai dit souvent: ces petits maîtres que j’ai tant aimés, je ne puis plus les souffrir. Ils sont 5 si contents d’eux-mêmes, et si peu de nous. Ils mettent à un si haut prix leur sottise et leur

figure — Ma chère cousine, sauvez-moi leur

mépris.

» Je commence à prendre un tel goût à la société

io des gens dévots, qu’elle fait toute ma consolation. Je n’ai point encore assez rompu avec le monde pour qu’ils ayent confiance en moi. Mais, à mesure que je m’en détache, ils s’approchent un peu. Quelle douceur dans ce nouveau genre de vie, au

ô lieu du tumulte et ce bruit du monde imposteur! » Je vais, ma chère cousine, me livrer à eux tout entière. Je leur découvrirai l’état d’un cœur qui prend toutes les impressions qu’on lui donne. Il n’est point en moi d’éteindre toutes mes passions ;

20 il ne s’agit que de les régler.

» Il y a une chose qui est le principe fondamental de la vie dévote: c’est la suppression totale des agréments étrangers. Car, quoiqu’entre nous ils soyent toujours beaucoup plus innocents dans le 25 temps qu’on les quitte, que lorsqu’on commence à s’en servir, cependant ils marquent toujours une certaine envie de plaire au monde, que la dévotion déteste. Elle veut que l’on paroisse devant lui avec toutes les injures du temps, pour lui faire voir à 30 quel point on le méprise. Pour nous, ma chère cousine, il me semble que nous pouvons encore