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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/276

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LE FRONT CONTRE LA VITRE

ou illassable. Devant une boussole qui oscille parce qu’elle n’a plus de point fixe qui la retienne, nous restons rivés à la manœuvre de chaque jour, au sein d’une civilisation en formation, qui ne compte plus ses progrès dans l’ordre économique, mais, qui n’a pas encore atteint la stabilité propre à l’éclosion des arts, qui n’offre pas encore le milieu de sympathie et d’attente où l’intelligence oublie, pour créer, les tyrannies de l’existence.

Il en serait autrement si, comme le remarquait notre poète Crémazie, nous parlions une autre langue, si, persuadés par les dithyrambes du XVIIIe siècle, nous avions, par exemple, adopté le verbe imagé des peuplades primitives aujourd’hui disparues, sauf des cartes postales ; notre public serait moins considérable, mais nous aurions une originalité et nous n’assumerions pas la lourde tâche de briller dans une famille chargée d’ancêtres où il suffit de naître pour respirer le talent.

Cependant, malgré ces difficultés que je précise surtout pour décider qu’elles ne nous découragent pas, nous avons fait quelque chose qui, désormais, nous appartient. La littérature canadienne-française, qui a fondé la presse, repris l’histoire, chanté la terre et les morts, se dessine déjà comme une force du passé et nous comptons avec elle, fût-ce en la jugeant. On peut dire dans ce sens qu’elle existe, quoique modeste. Cela nous suffit pour le moment et nous savons ce qui nous reste à faire pour continuer ceux qui, sans s’élever jusqu’aux sommets où vous avez placé la grande humanité d’un Ver-