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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/277

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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

haeren, ont tout de même gravi la colline inspirée et construit, dans la « mystérieuse forêt des rêves de la race » jaillie cette fois d’un sol nouveau, le château qui garde, encastré dans sa porte, un « débris de sculpture » semblable à celui que Barrès offrait aux méditations du jeune pèlerin de Vaudémont.

De ces hauteurs, la littérature a défendu la langue qui n’a cessé de lutter, malgré les traités aussi mal faits autrefois qu’ils le sont de nos jours : il n’était pas question d’elle dans le Traité de Paris qu’elle formula. Elle a résisté aux attaques de la politique, bien plus dangereuses que le voisinage du nombre et de l’esprit et, à l’Angleterre, elle a réclamé les libertés anglaises. Même interdite par une loi, après d’inutiles tentatives pour la supprimer, elle a protesté du haut de la tribune, par la bouche d’un homme qui portait, ainsi que tant d’autres chez nous, un nom français, lumineux, classique, comme tout ce que le peuple a buriné, Louis-Hyppolite Lafontaine. Elle a recouvré le pouvoir et pris place dans la Constitution de 1867 ; mais si elle n’a pas achevé de vaincre et s’il lui faut combattre encore pour que l’on respecte ses droits, si elle ne résonne plus dans une partie du pays qu’elle a pourtant baptisé, c’est que des préjugés tenaces et d’aveugles ambitions l’obligent à refaire ses conquêtes. Une aussi longue résistance suffit à l’honneur et, pour reprendre la pensée d’un homme politique canadien, trop tôt touché par la mort, Paul-Émile Lamarche, si l’uniforme de notre langue porte des traces de la bataille, c’est que, pendant près de deux siècles, il n’a cessé d’y être.