Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sont éventées un peu, avec le temps, songez qu’elles commencèrent par être fort piquantes et d’un arôme très irritant.

J’ai beaucoup aimé les Fleurs du Mal, pendant mon adolescence et ma toute première jeunesse. J’admire toujours Baudelaire et ne le relis jamais. Ses préoccupations comme ses épithètes me gênent à présent jusqu’à l’angoisse : une angoisse physique. Certes, Baudelaire est un vrai artiste, comme nous l’entendons aujourd’hui, ou plutôt comme on l’entendait il y a quelques années. Allons, c’est un grand artiste tout simplement, c’est même un grand poète… Ce n’est pas un pur poète.

Verlaine était plus naturellement poète que Baudelaire. Il n’était que cela, il l’était de toute son âme. Ses vers jaillissaient comme l’eau du rocher, et, par un mauvais miracle, ils charriaient du limon. Verlaine, était habile dans son art, mais avec un désordre surprenant. « Il lui a manqué de savoir canaliser sagement sa merveilleuse sensibilité » a dit excellemment M. Jean de Gourmont, le jeune frère du savant auteur de l’Esthétique de la langue française.

Je crois que Verlaine n’était pas très affecté par la tristesse des campagnes et des bois jaunissants.