Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/96

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épandue sur les plaines et sur la mer, n’est-ce pas elle le véritable aspect tragique de la vie ?

Quelle folie de ratiociner en pure perte. Que n’ouvré-je pas plutôt ma fenêtre, pour admirer l’Automne sur l’écran mordoré des arbres !

… Dans les jardins, les dahlias, jaunes, blancs ou foncés, les roses trémières et les chrysanthèmes de toutes sortes, hument les derniers rayons de soleil. Le haut marronnier s’y dresse avec le port et les nuances d’une gentille tête de rousse ébouriffée. Sur le sable des allées, sur le gazon des boulingrins, les feuilles tombées palpitent au vent qui, soudain, d’une haleine plus forte, les soulève jusqu’aux socles des statues, ou les précipite dans les bassins à l’eau noire. Si j’étais feuille morte, je voudrais pourrir dans la vasque d’une belle fontaine de marbre que je connais. D’antiques platanes l’entourent ; et lorsqu’au milieu de la nuit, elle filtre doucement, je crois entendre Byblis, sœur coupable, pleurer son funeste amour.

… Un jour j’avais choisi - entre cent, - trois roses : l’une jaune, l’autre blanche, et la troisième