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réflexions sur quelques poètes

connais de lui qui sont excellents pour la cadence et l’harmonie, sinon pour le fond et la fureur poétique. Car Rapin était surtout un parfait érudit plein de goût, et, en latin, lorsqu’il voulait, il savait faire un beau mélange de dactyles et de spondées.

Sapho n’était pas violente en amour seulement. Sa passion débordait pour d’autres motifs encore. Toute jeune, elle conspira avec le poète Alcée contre le tyran Pittacus, et elle fut obligée de fuir sa patrie ; les marbres d’Oxford placent dans l’année 596 son exil de Mytilène.

Dans l’Anthologie, les Muses disent à Sapho :

« Non, certes, la Parque ne t’a pas gratifiée d’une mince part de gloire, le jour où, pour la première fois, tu as vu la lumière, Sapho ; car nous te donnâmes le lierre immortel, et le père des dieux l’approuva du bruit de son tonnerre. Tu seras célébrée par des chants chez tous les mortels, et tu jouiras de la plus illustre renommée. »

L’autre Sapho, celle d’Erésus, n’était qu’une courtisane lettrée, mais si divinement belle que ses concitoyens voulurent éterniser ses traits sur des médailles. Elle aima Phaon, jeune batelier que Vénus, en récompense d’un service, avait doué d’un charme inconnu ; mais Phaon la dé-