Page:Moréas - Réflexions sur quelques poètes, 1912.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
louise labé

Et, pendant qu’elle se divertissait des tourments causés par sa beauté insouciante, elle ne s’aperçut point, hélas ! que, soudain, le même mal venait la surprendre à son tour. Et ce fut d’une telle force, que malgré le temps écoulé, sa blessure est toujours sensible.

Et maintenant, dit-elle, je suis encore contrainte

De rafreschir d’une nouvelle plainte
Mes maux passez.

Puis la poétesse conseille aux dames qui liront ses regrets de soupirer avec elle ; car elles peuvent un jour éprouver le même sort.

Quelque rigueur qui loge en votre cœur,
Amour s’en peut un jour rendre vainqueur.

O Dames, n’estimez point que l’on doive blâmer celles que ce dieu a blessées ; et prenez garde ! car plus vous aurez été ses ennemies, pis il vous fera, lorsqu’il vous sentira en son pouvoir. Plus d’une au cœur hautain, vaine de sa beauté et de son rang, a subi le dur servage de l’Amour :