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louise labé

La reine de Lemnos, qui brûla pour son hôte,
Le parjure Jason, l’intrépide Argonaute,
Héro, Laodamie, Hermione, Eurydice,
Cydippe, prise aux lacs d’un fatal artifice,
Procris au tendre cœur, jalouse de l’Aurore,
Hypermnestre, Evadné, cette Phyllis encore,
Et la sage Didon, que le pieux Enée
Pour obéir aux dieux avait abandonnée.
Comme ce pâle essaim de malheureuses Ombres,
Du Styx au triple tour couvrant les rives sombres,
Au penser doux-amer de son ancien martyre
S’agite tristement et doucement soupire !
Ainsi par un beau soir, au milieu de la plaine,
La tige que le vent bat d’une tiède haleine.

Il ne faut pas plaindre ceux qui ont souffert et langui pour un amour dédaigné.

Platon a raison :

« Celui qui aime est quelque chose de plus divin que celui qui est aimé ; car il est possédé d’un dieu. »

Et puis il faut subir l’ordre de l’univers, et Louise Labé a fort bien dit :

Tel n’ayme point, qu’une Dame aymera
Tel ayme aussi, qui aymé ne sera.