Page:Moréas - Réflexions sur quelques poètes, 1912.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
réflexions sur quelques poètes

La dague enrichie d’or,
En s’en allant toute armée
Ell’sembloit parmi l’armée
Un Achille ou un Hector.

Ainsi Eros vainquit et Sémiramis et Louise Labé. Mais Sophocle n’a-t-il point dit qu’il est invincible, et qu’il règne sur les puissants et dans la cabane du berger ?

Celui que Dante appelle cette fontaine d’où coule un si large fleuve du parler, le courtois Virgile :

O anima cortese Mantovana !

vit dans les bois de myrtes errer les apparences de ceux qu’un amour malheureux a tourmentés vivants, et qui, ayant conservé jusque dans la mort leurs tendres soucis, lavent en vain dans le Styx leur cruelle blessure.

Et moi-même, ô Muse ! j’osai, jeune encore, évoquer les Ombres énamourées, en ces rimes féminines :

Je vois la triste Phèdre, innocente et coupable,
Myrrhe qui consomma son désir exécrable,
D’un funeste présage Aglaure déchirée,
Et Ganacé, épouse et sœur de Macarée,