Page:Moréas - Variations sur la vie et les livres, 1910.djvu/247

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gager la conversation avec lui, par curiosité et parce qu’il aimait à lire ses écrits. Mais l’autre ne répondit point à ses avances.

Quelque temps après, les deux hommes se trouvèrent ensemble chez des amis communs, et Rétif fut plein de cordialité, cette fois. Et comme Cubières s’étonnait et rappelait leur première rencontre, le romancier lui dit :

— Que voulez-vous ? Je suis l’homme des impressions du moment ; j’écrivais alors le Spectateur Nocturne, et, voulant être un hibou véritable, j’avais fait vœu de ne parler à personne.

Rétif menait une existence morose et fort retirée. Le soir, il fréquentait certain café où il jouait aux échecs jusqu’à onze heures. A ce moment, que la partie fût achevée ou non, il se levait et sortait sans mot dire. Il allait faire sa provision de notes pour ses Nuits de Paris. Par n’importe quel temps, sous la pluie, sous la neige, il errait le long des quais, à travers les rues tortueuses de la Cité et de l’île Saint-Louis. Et il lui arrivait d’être témoin de plus d’une scène scandaleuse ou sanglante.

Le jour, il écrivait ce qu’il avait observé