Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/123

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La guerre civile s’était rallumée dans l’Ouest avec fureur, et menaçait de s’étendre dans le Midi. L’Italie tout entière était retombée au pouvoir de l’Autriche. Joubert, que le Directoire avait chargé de refaire la conquête de ce pays, Joubert avait été tué. Le Directoire, chargé du mépris et de la haine générale, avait, pour remplacer Joubert, jeté les yeux sur Moreau ; celui-ci, apprenant l’arrivée de Bonaparte, dit aux directeurs : « Vous n’avez plus besoin de moi, voilà l’homme qu’il vous faut pour opérer un mouvement, adressez-vous à lui. » Cette réponse prouve que Moreau n’avait pas mieux pénétré les desseins de Bonaparte que le Directoire.

Le conquérant de l’Égypte reprit à Paris son genre de vie laborieuse et solitaire accoutumé ; il paraissait peu en public, n’assistait aux spectacles qu’en loge grillée, et ne fréquentait que des savants. Il n’accepta à dîner chez les directeurs qu’en famille. Il ne put cependant refuser le festin que lui offrirent les Conseils dans le temple de la Victoire (l’église Saint-Sulpice) ; mais il n’y resta qu’une heure, et en sortit en compagnie de Moreau.

Cependant le pouvoir était à l’agonie ; des partis nombreux s’agitaient diversement pour le faire passer en d’autres mains ; généralement, ils faisaient tous des tentatives auprès de Bonaparte pour le déterminer à embrasser leur système et se mettre à leur tête. Bernadotte et Augereau qui représentaient la faction démagogique du manège, lui promettaient le gouvernement de la République s’il voulait entrer dans leur parti. D’autres lui proposaient de renverser le Directoire et le manège. Les directeurs eux-mêmes intriguaient chacun de leur côté auprès de Bonaparte pour l’engager à détruire leur propre puissance. Sieyès et un grand nombre de membres du conseil des Anciens le sollicitaient de se mettre à la tête d’un parti modéré : Barras, Moulins et Gohier l’engageaient à aller reprendre le commandement de l’armée d’Italie, le premier, pour l’éloigner des affaires, et les deux autres pour en faire l’instrument militaire de leur pouvoir. Tel était le bulletin des conspirations que l’on connaissait déjà. La véritable était ignorée ; Bonaparte avait consulté, sur l’état positif des affaires, des hommes éclairés, tels que Cambacérès, Rœdérer, Real, Regnaud de Saint-Jean d’Angely. De tous les directeurs, Sieyès était le seul qui lui eût inspiré de la confiance ; le 8 brumaire, de grand matin, il eut une conférence avec lui, et il lui confia les projets de la révolution qu’il voulait opérer ; Sieyès les approuva ; il fut convenu entre eux que l’exécution en serait tentée du 15 au 20 du même mois ; dans une dernière conférence qui eut lieu le 15, il fut arrêté que la tentative aurait lieu le 18.

Le 17, à la pointe du jour, le commandant de Paris, les régiments de la garnison, les adjudants des quarante-huit sections furent invités à se rendre le lendemain à sept heures du matin dans la rue Chantereine, où était la maison qu’habitait Bonaparte. Cette réunion attendue depuis le retour du général en chef n’inspirait aucune méfiance ; à la même heure furent également convoqués tous les officiers sur lesquels on pouvait compter. Chacun d’eux, croyant comme le public que le général allait partir pour l’armée d’Italie, trouvait tout simple qu’on les eût convoqués pour leur donner des ordres.

À l’heure fixée arrivèrent tous ceux qu’on avait invités. À huit heures et demie un messager du conseil des Anciens remit à Bonaparte le décret suivant qu’il fit lire à l’Assemblée :

« Le conseil des Anciens, en vertu des